PLAN TRIPLE
- Clara Fuchs
- 15 janv. 2020
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 juin 2024
VILLE-ÉDIFICE-TERRE
15 JANVIER 2020 | CLARA FUCHS
La Fondation Cartier, un feuilleté de verre.
Un premier plan offert à la ville et à ses percées.
Un second donné à l’homme et son expression.
Un dernier, à la terre.
Boulevard Raspail. L’un des axes emblématiques du Paris des cartes postales, qui incise la rive gauche selon un axe nord sud quasi parfait. Une grandiose empreinte de l’intransigeance d’Haussmann qui fit de la ville celle que l’on connaît et qui ravit les touristes du monde entier. De part et d’autre, les immeubles en pierre de taille alignent fièrement leurs horizontales filantes ; corniches, moulures, balcons accompagnent le ballet rectiligne des voitures. Jusqu’au 261.
PLAN 01
Deux écrans diaphanes, dressés dans la droite ligne de leurs historiques voisins, que le ciel encombré de Paris illumine. Comme un immense portail dont les ventaux entrouverts dessineraient les prémices d’un autre monde. Voilà l’entrée de la Fondation Cartier : une brèche dans la ville, comme une ouverture sur un ailleurs. Entre la porte et la fenêtre, à la fois vitrine et muraille, elle se conçoit comme un plan abstrait, ambigu – dual.
PLAN 02
Sous le feuillage du vieux cèdre de Chateaubriand, c’est une déclinaison de vert qui s’offre au regard. Avec le franchissement de ce premier plan, c’est toute la ville rugissante qui est restée dehors. La seconde paroi se lie à peine, éclipsée derrière un troublant environnement réel ou reflété – on ne le sait plus très bien. La Fondation Cartier, c’est un musée sans mur, un espace sans limite, qui offre à ses intervenants de la vacuité pour laisser leurs créations s’exprimer. Plus encore, elle est un écrin protecteur, introverti le jour, ostensible la nuit. À la question « qu’est-ce qu’est un musée aujourd’hui ? », peut-être propose-t-elle un début de réponse qui ressemblerait à : un abri assez fort pour contenir l’expression de l’Homme, mais assez humble pour ne pas l’écraser.
PLAN 03
Quoi que l’on en dise, les jardins ne sont pas si rares à Paris – seulement ils se cachent derrière de hauts murs. Ici, les baies vitrées disparaissent et laissent un sol libéré. L’unique salle se mue alors en une grande forêt, alternant les verticales d’écorces et d’acier. L’architecture cristalline s’estompe au profit des parterres de fougères et de hautes herbes à chaque saison différents – ce qui y est proposé, c’est une abstraction de la nature non domestiquée, une distance pour admirer la transformation du vivant.
À l’image de la spatialité du thé japonaise, l’architecture met ici à mal les notions de limite et de volume. Simultanément singulière et multiple, intérieure et extérieure, matérielle et virtuelle, elle s’inscrit dans la ville comme un cadre évanescent pour un microcosme bien éloigné de la vie urbaine, et propose d’ouvrir au curieux qui franchit sa porte, un monde dédié à l’esthétique de l’homme et de la terre.
Fondation Cartier pour l’art contemporain